Histoire

AKHAL-TEKE, qui es tu ?

Peu de gens te connaissent. Il faut dire que tes origines, si elles sont anciennes, ne sont pas des plus banales… Né en Asie Centrale, l’akhal-téké diffères considérablement de ses cousins, le Tarpan ou le cheval de Przewalski dont la petite taille et le profil ramassé sont tout le contraire de sa silhouette longiligne.

Si l'on se réfère à la géographie, la partie du monde qui a sans doute donné naissance à ce cheval est la vallée du Ferghana ; zone basse entourée de hautes montagnes, la chaîne du Pamir au Sud, les monts Tian Shan à l'Est, mais particulièrement fertile. Les plaines herbeuses au pied des massifs, le climat continental rude et la présence de nombreux prédateurs ont façonné un cheval grand, mince et rapide à la course.

Faisons donc un peu d'archéo-zoologie...

On trouve des traces de chevaux de "grande taille", pour l'époque, environ 1,50 m au garrot, dans les tombeaux des Scythes, les fameux Kourganes dont l'un des plus célèbre est celui de Pazyrik. C'est donc au Vème siècle avant J.C. que l'on voit pointer le bout du nez de celui qui devra attendre quelques siècles encore avant de s'appeler Akhal-Téké.

Autre témoignage de la présence de chevaux extraordinaires, l'engouement des empereurs de Chine pour "les chevaux célestes" originaires d'Asie Centrale et plus précisément de ce qui sera un peu plus tard désigné comme la vallée du Ferghana (il y a quelques siècles avant notre ère !).

Et puis, l'on arrive à l'époque des grands chroniqueurs, Hérodote en tête, et les informations se font sinon plus précises, du moins plus nombreuses : on y apprend que les Massagètes, successeurs des Scythes, avaient les meilleurs chevaux de l'époque, puis se seront les Parthes qui feront parler d'eux et de leur célèbre cavalerie sous le nom de chevaux de Nicée. Leur antique capitale est située non loin d'Ashgabad au Turkménistan actuel et retournée en poussière depuis.

Les anciens empires dont le flux et le reflux au grand galop de leurs chevaux a ébouriffé la steppe au fil des siècles, cèdent la place à des états plus structurés, mais tout aussi guerriers. Au fil des conflits, "le cheval ailé" des uns ou "l'Argamak" des autres, devient objet de convoitise, de rapine, voire cadeau impérial selon les fortunes du chef de guerre, qu'il se nomme Darius, Cyrus, Alexandre de Macédoine ou Saladin.

Au fil des siècles, notre cheval de Nicée va alors contribuer à l'apparition de nombreuses races de chevaux, les plus célèbres étant le pur-sang anglais, le Trakenher et le pur-sang arabe.

Comment une race de chevaux si différente a pu voir le jour ?

Ce cheval, devenu la monture des Khan de Khiva, Samarkande et Boukhara se développera donc plus à l'Ouest et au Sud et fera l'objet de tous les soins du pays considéré aujourd'hui comme l'un des berceau de race de l'Akhal-Téké, le Tukménistan.

Pourquoi le Turkménistan, s'est-il "approprié" cette race ?

Là encore un petit tour dans l'histoire peut nous aider à y voir plus clair. Les Turkmènes descendent de tribus turques venues d'au delà de la Mer d'Aral qui ont migré vers le Sud Ouest à partir du Xe siècle.

Au XVIe siècle,les Turkmènes sont pris entre les conflits opposant la Perse et les khanats ouzbeks de Boukhara et de Khiva. Ils tombent sous la coupe des uns ou des autres et se lancent dans des razzias dévastatrices en direction du Khorassan (nord de la Perse) ou du Khorezm (sud de l'Ouzbékistan).

Et l'Akhal-Téké dans tout ça ?

De cette histoire mouvementée, il ressort que :

  • Les Tékés sont un peuple nomade au mode de vie très "mobile",
  • Leur pays constitué à 80% de désert dont les zones de peuplement sont surtout situées aux franges sud. 
    Il faudra à ces hommes de remarquables montures pour supporter ce mode et ces conditions de vie. La monture il l'ont trouvée, en l'espèce, notre fameux cheval d'Asie Centrale déjà apprécié par d'autres spécialistes en razzias à grande échelle, les grands conquérants évoqués plus haut.

Mais le peuple turkmène a porté à son apogée l'ensemble des qualités de ce cheval. Ce sont les hommes de la puissante tribu des Tekke. L'une des cinq principales tribus qui composent le Turkménistan, qui se révéleront les plus brillants et les plus performants dans le choix et la sélection de ces chevaux. Ils en stabilisent le modèle et le caractère donnant du même coup à ce cheval le nom de leur oasis, Akhal accolé au nom de leur groupe. Jusqu'ici, l'histoire est très bénéfique pour notre Akhal-Téké, encore que la vie d'un cheval de rezzou ne soit pas de tout repos ni gage de longévité…

Là où les choses se gâtent, c'est curieusement, quand la paix s'installe dans le pays turkmène : les Russes, adeptes inconditionnels du machinisme, vont rayer d'un grand trait de plume tous ces chevaux mangeurs d'herbe au piètre rendement quand on les compare à leur confrères à vapeur. Et puis, ces remuants Turkmènes seront ainsi cloués au sol et à leurs champs de coton…

De fait, dans les années 1950, la race a bien failli disparaître totalement, d'autant plus que la nature elle même y apporte sa contribution avec le tremblement de terre d'Ashgabad de 1948.

Le sauvetage d'une race

Le mot n'est pas trop fort : de près de 20.000 sujets à la fin du XIXe siècle, le cheptel était tombé à moins de 300 au milieu du XXe siècle…

Plus désolant encore, les nouveaux propriétaires turkmènes avaient importé des Purs Sang anglais afin d'améliorer les performances de leurs chevaux, diluant la pureté de la race et saccageant ainsi le long travail de sélection de leurs ancêtres. Heureusement, quelques personnalités hors du commun ont fait leur la cause de l'Akhal-Téké. Parmi eux, deux noms ne devraient jamais être oubliés : Madame Maria TCHERKESOVA et Monsieur Vladimir P. CHAMBORANT.

Maria TCHERKESOVA, dont nous avions fêté ses 80 ans en octobre 2000 à Ashkabad ; vient de rejoindre les prairies célestes de ses chers Akhal-Téké au printemps 2003. Elle a contribué dans sa jeunesse à sauver quantité de chevaux au nez et à la barbe des autorités russo-turkmènes en franchissant allègrement et toujours à cheval la frontière avec l'Iran en usant de méthodes fort peu orthodoxes mais franchement hilarantes !

Vladimir P. CHAMBORANT, disparu en mai 1996, est sans doute "le chercheur-sélectionneur du cheval Akhal-Téké le plus important du XXe siècle". C'est lui qui a contribué à restituer sa pureté à la race en éliminant de la reproduction les chevaux ayant reçu du "sang anglais".

C'est en 1950 viennent les sombres heures de l'Akhal-Téké : fermeture du haras d'Ashgabad, déjà décimé par le tremblement de terre et liquidation des élevages. Des milliers de magnifiques chevaux sont alors passés au couteau.

 

(Extrait d'un article d'Alexandre KLIMUK, zootechnicien équin au haras de Stavropol, traduit du russe par Natacha MOROZ-BUES, article dont l'intégralité se trouve dans le bulletin N° 1 de la revue de l'association AKHAL-TEKE France)

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